Pour un financement des transports publics à la hauteur des enjeux écologiques, sociaux et financiers
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Résumé

La lutte contre le dérèglement climatique ne se gagnera pas sans un changement de paradigme dans nos mobilités. Les écologistes le savent bien. Mais ce changement de paradigme a un coût. Un coût qui est difficile à assumer pour les Autorités Organisatrices de la Mobilité (AOM), surtout depuis la crise sanitaire et la hausse des prix de l’énergie.

Cette motion a donc pour but de sortir de l’impasse. La Commission Transports et Territoires propose ainsi de mettre en œuvre quelques grandes mesures permettant, enfin, de financer la révolution du transport du quotidien que nous souhaitons tant : application du principe du pollueur-payeur, amélioration du financement des AOM, choc d’offre et tarification simplifiée et incitative.

Exposé des motifs

Le système de financement des transports publics doit correspondre aux valeurs de justice, de solidarité et de lutte contre le dérèglement climatique que nous défendons.

Tous les projets de transport ne sont pas bons. Il conviendrait de mettre fin dès maintenant aux grands projets obsolètes et climaticides qui capturent les capacités d’investissement des collectivités et de l’État, comme l’autoroute Toulouse-Castres, les contournements autoroutiers d’Arles, Rouen, Montpellier, Nîmes, le Boulevard Urbain Sud à Marseille, le tunnel Lyon Turin, le TGV GPSO ou encore le Canal Seine-Nord Europe…

Globalement, la voiture et les poids lourds coûtent plus cher qu’ils ne rapportent à la collectivité. Les collectivités locales dépensent environ 15 Mds € / an dans les routes alors que les recettes du routier issues essentiellement de la TICPE disparaîtront avec le passage à l’électrique. Arrêtons de les favoriser au détriment des transports moins polluants.

Aussi, toutes les réformes de financement doivent suivre le principe du pollueur-payeur. Ce changement de paradigme, nous devons l’initier dès maintenant. Par exemple, l’écotaxe ou éco-redevance poids lourds permettrait de financer directement l’entretien des infrastructures de transport durable, ou encore le fret ferroviaire et fluvial. La taxation des SUV ou des colis du e-commerce comme à Barcelone permettrait de dégager des revenus conséquents. L’augmentation de la « taxe Chirac » payée par les voyageurs aériens devrait aussi être envisagée.

D’autant que la crise sanitaire, puis la flambée des prix de l’énergie en 2022 et 2023, ont lourdement affecté les comptes des Autorités Organisatrices de la Mobilité, locales (AOM) et régionales (AOMR).

La seule issue provisoire trouvée concerne uniquement Île-de-France Mobilités (AOM et AOMR à la fois) où les trois grands financeurs ont été amenés à augmenter leur part respective de financement, à répartition inchangée, à compter du 1er janvier 2024 :

  • L’État et les collectivités territoriales
  • Les employeurs d’au moins 11 salariés, via un versement mobilité (VM) augmenté de 0,25% pour atteindre 3,2% sur Paris et les départements de la petite couronne
  • Les utilisateur·trice·s, avec notamment un Pass Navigo porté à 89 €/mois en Île-de-France.

Pour les AOM hors Île-de-France, le versement mobilité est toujours plafonné à 2%. Pour 300 de ces AOM, l’État a tout de même décidé d’apporter un soutien financier global de 100 M€ pour préserver l’offre de transports en commun, sans pour autant remettre à plat et consolider le système de financement. Et les Régions n’ont pour l’instant pas obtenu la création d’un taux propre de versement mobilité, même si certaines d’entre elles mettent en place des Services Express Régionaux Métropolitains (SERM) très coûteux.

Les situations diffèrent entre AOM et ce sont elles qui connaissent le mieux leur besoin de financement. C’est pourquoi le versement mobilité doit être déplafonné pour permettre aux AOM d’en fixer librement le taux et les modalités à l’échelle locale. Les Régions doivent aussi avoir la possibilité de lever le versement mobilité alors que 47 % des communautés de communes ont fait le choix de ne pas se saisir de la compétence d’AOM locale et de la laisser aux Régions.

Parallèlement, l’État souhaite créer un Pass Rail (valable dans toute la France hors TGV) à 49€/mois finalement réservé qu’aux seuls jeunes de moins de 27 ans. Le financement d’une mesure élargie à tous les Français·e·s reste à trouver car ni les Régions ni les AOM ne sont en mesure de financer un Pass Rail à 49€. Pour mémoire, le Pass intermodal (transports urbains + TER) est à 73€/mois à Marseille, 63 € à Lille, 60 € à Nantes et Rennes, 56 € à Strasbourg et Toulouse, 53€ à Bordeaux …

L’attrait d’un réseau de transport public est avant tout déterminé par le cadencement et la fiabilité de l’offre. L’État et les collectivités doivent sécuriser le développement du réseau ferré et des réseaux urbains et y consacrer l’essentiel de leur financement.

L’État doit aider aux investissements sur les réseaux urbains et mettre fin au sous financement du réseau ferré, notamment du réseau classique, qui pénalise lourdement le coût et le développement du train. C’est une urgence, pour mettre en œuvre la révolution du transport du quotidien que nous portons depuis des années.

Il convient aussi de simplifier l’accès aux réseaux de transport public, faciliter le passage d’un bus à un train, d’une région à une autre en assurant les correspondances, inciter à leur choix au détriment des modes énergivores comme la voiture individuelle, même en déplacement hors région.

S’il est intermodal et inter-régional (comme le D-Pass en Allemagne), le Ticket climat y contribue. Le tarif de cet abonnement doit être simple à comprendre, adapté aux capacités contributives des utilisateur·trice·s et aux besoins de financement dans les mobilités. De plus, les éventuels manques à gagner pour les AOM doivent être systématiquement compensés par l’État.

Des tarifs sociaux devront être appliqués pour les plus défavorisé·e·s, les jeunes et les seniors. Des formes de gratuités solidaires pourront même être mises en place.

Par ailleurs, d’autres formes de gratuité partielle peuvent s’appliquer sur les tickets occasionnels, comme le week-end ou les jours de pic de pollution. Pour certains petits réseaux non ferrés dont l’offre serait suffisante, la gratuité totale pourrait être envisagée.

Application du principe du pollueur-payeur, amélioration du financement des AOM, choc d’offre, tarification simplifiée et incitative : c’est en actionnant tous ces leviers que nous réussirons à sortir le pays du tout-voiture et à décarboner les mobilités.

Motion

La proposition des Écologistes est la suivante :

  • Créer une fiscalité écologique “pollueur-payeur” pour financer le fonctionnement des transports du quotidien : écotaxe ou éco-redevance poids lourds, taxe sur les colis, taxe sur les SUV, augmentation de la taxe Chirac sur les voyages aériens…
  • Améliorer le financement des Autorités Organisatrices des Mobilités (AOM) en réformant le versement mobilité, pour sécuriser le financement de transports en commun modernes, cadencés et fiables dans toute la France.
    • Le versement mobilité doit être déplafonné afin que les AOM puissent en fixer le taux librement, localement, dans tout le pays comme en Ile-de-France.
    • Les Régions doivent pouvoir :
      • instaurer un versement mobilité lorsqu’elles sont AOM locale
      • instaurer un versement mobilité complémentaire lorsqu’elles mettent en œuvre un RER métropolitain.
  • Amplifier les investissements publics, en particulier de l’État notamment dans le cadre des Contrats de Plan État-Région, dans les transports en commun.
  • Engager un plan d’investissement massif dans le réseau ferré pour mettre fin au sous-investissement qui constitue un véritable sabotage du réseau ferré classique. Il faut assumer plus clairement un financement direct de l’infrastructure ferroviaire par l’impôt, sans objectif de rentabilité, tout comme la route l’est.
  • Diminuer et forfaitiser le prix des péages ferroviaires.
  • Une partie des financements doit provenir de l’endettement, notamment via un emprunt commun au niveau européen en faveur de la transition écologique et sociale, et dont l’un des objectifs sera de favoriser les mobilités alternatives à la voiture et au camion.
  • Créer un Ticket climat intermodal et inter-régional pour faciliter l’accès à tous les réseaux de transport collectif. Le tarif de cet abonnement doit être simple à identifier, adapté aux capacités contributives des utilisateurs et utilisatrices et aux besoins de financement dans les mobilités. De plus, les éventuels manques à gagner pour les AOM doivent être systématiquement compensés par l’État. Enfin, des tarifs sociaux devront être appliqués pour les plus défavorisés, les jeunes et les seniors. Des formes de gratuités solidaires pourront même être mises en place.