Compte-rendu de l’atelier ferroviaire du 25/08/22 :
Photos @EricCoquelin
LE RÉVEILÉCOLOGIQUE DU RAIL
- Christine Arrighi, Députée NUPES/EELV ;
- David Asseo, Directeur des transports au Canton suisse du Jura ;
- Karima Delli, Présidente de la commission Transports au Parlement Européen;
- Pierre Hurmic, Maire de Bordeaux ;
- Bruno Meignien, Chargé d’études ferroviaires;
- Patricia Pérennes, Experte ferroviaire.
1ère table ronde
Intervention de Patricia Pérennes
On constate une focalisation trop grande sur deux enjeux : la tarification (gratuité) et les infrastructures. Le vrai enjeu est le service : le nombre de trains. « Un train, c’est toutes les demi-heures ».
L’exemple du billet à 9 euros en Allemagne montre les limites d’une politique focalisée sur la question de la tarification. La baisse des tarifs a entraîné une hausse massive de la demande. Mais sans augmentation de l’offre, on a constaté une baisse de la qualité de service et une hausse des retards.
Intervention de Bruno Meignien
Il partage le principe. Si l’on veut du monde dans les trains, il faut des trains. Pour augmenter la part modale, se tenir à deux principes :
- Cadencement
- Performance
Sur le cadencement, il faut sortir de l’idée qu’il est rentable de diminuer l’offre, notamment en heure creuse. En Normandie, par exemple, 70% de la demande a lieu en heures creuses. Il importe au contraire de partir du principe que « l’heure creuse valorise l’heure de pointe ».
Cela implique de capter des flux qui ne sont pas seulement domicile-travail et domicile-étude. Il faut plus de trains mais aussi rendre accessible le territoire, jouer sur le qualitatif (accès en gare, intermodalité…) ce qui nous amène sur une logique de projets de territoire.
Un autre point sur lequel insister : Il n’est pas pertinent d’adapter les horaires des trains à la demande (par exemple en calant les trains sur les ouvertures d’école). Le train est structurellement rigide. En revanche, il faut cadencer, créer « un tapis roulant’ » couvrant l’intégralité de la demande sur une plage horaire. C’est une logique économique car le coût marginal d’un train supplémentaire par rapport aux coûts structurels de la ligne est faible.
Intervention de David Asséo
Il faut partir du principe que dans le ferroviaire, c’est le niveau d’offre qui fixe celui de la demande. Par ailleurs, il faut sortir d’une logique par ligne pour entrer dans une logique de réseau.
C’est ce qu’a réussi à faire la Suisse. La part modale du ferroviaire y est de 24% contre 10% en France, avec un taux de couverture des coûts par les recettes tarifaires de l’ordre de 50% (contre 30% en France environ)
Ce qui compte, c’est la densité de l’offre. Il ne faut pas créer des heures creuses et au contraire, produire au maximum à toute heure.
Sur les lignes du Jura Suisse, pourtant une zone très peu dense, la cadence est à la demie-heure, 7j/j. Il faut construire une réputation de fiabilité, notamment sur une infrastructure à voie unique.
En France, l’offre est plombée par les péages ferroviaires élevés. Mon idée pour le ferroviaire français : diminuer de moitié les redevances d’infrastructures pour créer un choc d’offre.
2ème table ronde
Intervention de Pierre Hurmic
Son intervention vise à combattre le projet de nouvelle ligne à grande vitesse Bordeaux-Toulouse, le projet GPSO.
On peut y opposer les arguments classiques :
- 4 800 hectares d’artificialisation dont 2870 hectares de forêt
- forte atteinte à la qualité de vie des villes traversées
- contraire à l’objectif de sobriété énergétique.
C’est surtout un projet qui avait été enterré par la commission Duron, qui est revenu dans le cadre du Plan de relance, alors que tout le monde s’accordait à dire qu’il faut sortir du modèle tout TGV.
Intervention de Christine Arrighi
Élue députée de la 9e circonscription de la Haute-Garonne, elle a été désignée co-rapporteure du rapport spécial transports de la commission Finances à l’Assemblée nationale. Ce rapport concerne tous les transports : terrestres, sans oublier la marche et le vélo; aérien et fluvial.
Les transports constituent en France le tiers des émissions de gaz à effet de serre, dont près de 95% dus au routier. Il y donc urgence à sortir du “tout routier” et à offrir des alternatives, en particulier pour les trajets du quotidien et les habitants captifs de la voiture (en général dans le périurbain et le rural).
En tant qu’habitante de l’agglomération toulousaine, Christine Arrighi se situe à l’autre bout de la ligne Bordeaux-Toulouse évoquée par Pierre Hurmic. L’urgence, au lieu de se focaliser sur la grande vitesse vers Paris, est de parler offre de services, comme évoqué par les intervenants précédents. En particulier autour des métropoles pour les trajets du quotidien (le vote RN prospère sur l’abandon, en termes de services, du périurbain), sur la transversale sud (Bordeaux-Marseille), et pour toutes les petites lignes qui irriguent villes moyennes et zones rurales.
Les aménagements ferroviaires au sud de Bordeaux et au nord de Toulouse, qui faciliteront le développement des trains métropolitains, auraient été achevés depuis plusieurs années déjà s’ils n’avaient pas été corrélés à la LGV (les DUP étant distinctes).
Intervention de Karima Delli
L’Europe n’a pris aucun engagement concernant le financement des travaux de cette LGV. Le tour de table financier n’est pas bouclé. Comment justifier de taxer aujourd’hui certains territoires alors que les précédentes LGV ont été construites sur financement d’Etat ?
Pour ne pas être dans l’opposition stérile, il faut proposer d’autres solutions : développer davantage le train de nuit, mettre en place des trains cadencés sur la transversale sud, offrir ainsi des alternatives à la navette aérienne vers Orly, aux jets privés.
Le décret sur l’interdiction des avions sur des parcours de moins de 2 h n’est pas paru car il est contraire à la législation européenne. Pour la faire évoluer, il faut de la diplomatie. Il faut aussi une politique industrielle du matériel roulant.
Au niveau national, il faut rediriger les aides d’Etat de l’avion vers le train … et mettre en œuvre une taxe poids lourds.