[La Réunion] Chantier de la route littoral : et maintenant que faire ?
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La Nouvelle Route inachevée du Littoral de La Réunion est désormais ouverte partiellement par le Conseil Régional.

Pour mémoire : il y a quinze ans, Paul Vergès, Président de la collectivité, négociait avec le premier ministre, Dominique de Villepin, les Accords de Matignon par lesquels l’État, l’Europe et la Région contribuaient au financement d’un tram train et d’une route du littoral à 2 x 2 voies, l’actuelle route, situé en pied en falaise, connaissant des éboulements meurtriers dont un en 2006. L’accord prévoyait 1,31 milliard d’euros pour le tram train et 930 millions pour sécuriser la route à 2 x 2 voies, mais dont l’État voulait qu’elle soit à péage. Le marché tram train est attribué en 2009 au consortium Tram Tiss et lechantier devait commencer en 2010, après les élections régionales pour livrer le tronçon Sainte Marie-Saint-Paul en 2016. Ce projet était avant-gardiste avec la réalité du réchauffement climatique qui nous impose des transports collectifs et écologiques.

Mais la droite gagne ces élections en mars 2010 et abandonne le projet tram train perdant ainsi 70 millions d’euros en frais contractuels et études engagées. En octobre 2010, Didier Robert signe les Accords de Matignon 2 qui font basculer le financement prévu pour le tram train sur une méga route du littoral de 2 x 3 voies estimée à 1,6 milliard d’euros pour 12 k. Le marché principal est attribué au duopole Bouygues-Vinci

La débâcle

Très vite se pose la question de l’approvisionnement en roches massives car la route est un mixte de digues et de viaduc.  Finalement ce dernier est achevé en 2019 mais le marché pour la construction de la digue monumentale entre la Grande Chaloupe et la Possession doit être résilié faute de roches massives. Il faut noter que dès octobre 2011, l’Autorité Environnementale prévenait la Région du problème de l’approvisionnement en roches et préconisait le tout viaduc. 

A l’heure actuelle, seule une partie de la route est construite, il manque un tronçon de 2,7 km pour atteindre la Possession. 2,2 milliards ont été dépensés, le raccordement provisoire du nouveau viaduc à la route actuelle a coûté 40 millions. Le groupement Bouygues-Vinci présente 37 avenants au Conseil régional pour un montant de près d’un milliard d’euros supplémentaires !

La nouvelle majorité régionale vient de choisir de finir la route en construisant un viaduc. Un Accord de Matignon 3 a été signé avec le premier ministre par lequel l’État apporte 420 millions et la Région 420 millions, soit au total 840 millions pour tenter de finir cette route. Mais le marché ayant été résilié, toutes les procédures sont à recommencer et il faudra des études pour connaître la solidité des fonds marins qui recevront les piles du viaduc. Pour l’attribution du marché il faudra un nouvel appel d’offre et il faudra aussi remonter les usines de fabrication des éléments du viaduc et racheter la barge Zourite (80 millions d’euros) qui permet de déposer les piles sur les fonds marins. 

Ces chiffres donnent le tournis. Cette route de 12 km pourrait finir à 4 milliards d’euros pour une île qui bat des records de pauvreté. A qui profitera cette gabegie ?

Que faire ?

Depuis le début, EELV condamne un projet démesuré qui satisfait le BTP et le lobby routier mais n’apporte rien dans la durée aux milliers de Réunionnais qui, n’ayant pas accès à l’automobile, sont dépendants de transports de bus vétustes, bondés et toujours en retard. Si nous approuvons le raccordement du viaduc à la route actuelle, nous pensons qu’il faut faire un arrêt sur ce chantier pharaonique dont les coûts ne sont pas maîtrisés. En s’engageant dans la construction d’un nouveau viaduc dont le coût final pourrait atteindre le milliard d’euros supplémentaires, la Région ne fait que suivre la voie ouverte par son prédécesseur : couler des millions de mètres cubes de béton dans l’Océan Indien. 

Ce nouveau chantier ne sera pas fini avant 2030 et les nouvelles sommes qui y seront engagées vont faire défaut aux projets de tramways urbains que réclament les territoires réunionnais, la CINOR au nord-est, le TCO à l’ouest et la CIVIS pour le sud. Car les embouteillages progressent partout, les points noirs comme les entrées de Saint-Denis, Saint-Paul, Saint-Pierre, etc., ne sont pas traités.

Pour EELV, il faut désormais mettre ce chantier sur pause. Une fois le viaduc ouvert dans les deux sens, avec un raccordement à la Grande Chaloupe, la route fonctionne très bien, les filets de sécurité ont fait leur preuve, il faut prendre le temps de voir comment on pourra améliorer la sécurité sur les 2,7 km restants sans avoir à remplir les poches de Bouygues et Vinci.

Une nouvelle et sérieuse orientation dans la politique de mobilité, associant la population, allant dans le sens de l’intérêt général et dans le cadre du réchauffement climatique, doit privilégier les investissements massifs dans les réseaux ferroviaires. L’explosion actuelle des prix des carburants d’origine fossiles montre que dans dix ans, la Réunion, en l’absence d’alternative à l’automobile, sera en difficulté avec le tout voiture.

Nous avons besoin d’investissements qui prennent en compte les besoins réels de la population en termes de mobilité, qui respectent l’environnement et préservent l’avenir de notre île ! Les intérêts privés n’ont que faire de ces questions alors à nous de prendre notre destin collectif en main !

Alain Coulombel et Chloé Sagaspe, porte-parole
La Commission Outre-mer d’EELV
La Commission Mer et Littoral d’EELV
La Commission Transport d’EELV