Lors des JDE 2023, nous avons organisé une rencontre sur le thème :
« Qu’est ce qui fait la singularité de la mobilité au Japon ? » avec Alice Bosler et Ken Iwasaki Garcia.
Souvent connu pour la ponctualité de ses trains, le réseau de transport japonais se base sur un modèle et une construction historique très différents du modèle français. Le fort marchandising et une exigence de confort et de qualité de service est au service d’un attachement culturel très fort des japonais.es au rail. Quand le train ne constitue pas en lui même une attraction touristique !
A côté des rails, une pratique du vélo massive et pourtant peu connue nous fait découvrir une densité de services enviable et un urbanisme encourageant à laisser sa voiture au garage.
Pour aller plus loin :
FERROVIAIRE
🛤️ Le rail japonais a été construit avec l’« écartement du Cap », de tradition coloniale britannique (3 pieds 6 pouces = 1067 mm), à l’exception du réseau à grande vitesse (Shinkansen).
Le Shinkansen, train à grande vitesse, a été développé dans l’optique des Jeux olympiques de 1964.
En France, il y a 60M de voyageurs / an sur le TGV; au Japon, 176M/an sur la ligne la plus fréquentée.
⏲️Les circulations sont beaucoup plus compartimentées qu’en Europe. Le Shinkansen ne partage jamais ses rails avec d’autres circulations. D’où la ponctualité et la fiabilité.
En contrepartie de ce système de voies dédiées à chaque circulation, il y a des problématiques d’ artificialisation des terres et d’étalement urbain.
Le système japonais connaît la privatisation à partir des années 1980. Des tronçons de lignes non rentables sont vendus à des opérateurs privés, qui obtiennent un monopole de fait mais s’engagent à la fois à moderniser l’infrastructure et développer le service. Les tronçons non rentables ont été vendus en premier à des compagnies dont le coeur de métier n’était pas le ferroviaire. En développant la prospection immobilière, les centres commerciaux dans les gares, elles ont créé un écosystème ; toute la chaîne des besoins est comblée par ces compagnies.
🚉 Les gares :
Parmi les 25 des gares les plus fréquentées au monde, 23 sont japonaises. La 1re gare la plus fréquentée au monde est japonaise (Shinjuku, à Tokyo) avec 1,28Mds de passages. Il s’agit d’une gare avec uniquement des trains de banlieue. L’accessibilité des gares est bien meilleure qu’en France et adaptée à tous les handicaps.
Rames : L’aménagement des places assises est très différent de la France. On privilégie l’aménagement qui permet de transporter le plus de personnes, notamment pour les trains locaux.
🦽Les rames sont assez spacieuses pour accueillir des fauteuils roulants.
Dans les Shinkansen, les rangées sont modulables. On peut retourner les sièges pour créer des carrés.
💴Les Prix : le prix des billets est calculé en fonction de la distance et de la vitesse. Plus le service est rapide, plus on paie cher. Pas de « yield management » au Japon : le prix du billet pour un trajet est toujours le même. Il n’y a pas de pass zones (sauf pour les touristes). Seul abonnement à trajet fixe : domicile/travail. Les prix sont 2 à 3 fois ce qu’on paie en Ile-de-France. Les entreprises et les écoles peuvent prendre en charge une partie des tickets. On peut voyager en Shinkansen sans réservation mais avec le risque de voyager debout s’il est plein. Il existe également des trains longues distances moins chers, comparables à des Intercités, pour peu qu’on accepte des trajets beaucoup plus longs.
🌛Nuit : Le train de nuit est anecdotique, en déclin. Pas de transport de nuit, pas de noctilien. Les capsules hôtel servent si on a raté son dernier train.
Toute une « culture » s’est développée autour du ferroviaire. Au Japon, les vacances commencent dans le train. Dans chaque gare, on peut acheter des plateaux repas de spécialités régionales, comme sur l’autoroute en France. Tout un marchandising est développé autour des lignes (mascottes, goodies etc.)
Il existe un réel attachement des usagers à leurs trains.
Les « Joyfuls trains » : Ce concept à part entière, très cher aux japonais-es, prend place la plupart du temps sur des lignes en difficulté et dans des territoires en proie à des difficultés économiques. Des lignes de trains sont « customisées » à l’effigie de licences célèbres, avec un aménagement intérieur dédié, parfois des services originaux et à part entière (train restaurant, train avec bain de pieds, etc.). Le train devient alors une attraction touristique à part entière, les lignes concernées deviennent très prisées et soutiennent le tourisme de tout un territoire.
MODES ACTIFS
🚲Le Japon n’a pas connu de déclin du vélo dans les 40 dernières années. La part modale du vélo est de 13 %. C’est le 3e pays au monde, après les Pays-Bas et le Danemark (voir tableau plus bas).
Sociologiquement, on voit beaucoup de personnes âgées et de femmes sur les vélos. Peu de cadres. L’exercice physique est valorisé. Ceci s’explique aussi par la forte densité de services qui génèrent des déplacements quotidiens dont la distance est pertinente à vélo (faire une course, chercher des enfants à l’école), et un réseau d’axes secondaires constitué de petites rues facilitant la pratique. La pratique est peu différenciée entre l’urbain et le rural. Pour les plus longues distances, et notamment le domicile-travail, le train est priorisé.
Vélo et train : on ne peut pas mettre son vélo dans le train, mais il y a des locations dans les gares, et même des « silos » à vélos.
Par contre, les conflits d’usage entre vélos/trottinettes et piétons sont fréquents.
LA VOITURE
🚘La pratique de l’automobile au Japon fait face à une problématique de disponibilité de l’espace : elles sont donc souvent petites et légères. Il est très difficile de stationner en ville, les places sont rares et chères. En contrepartie de ce systeme de voies dediees a chaque circulation, il y a des problématiques concernant l’artificialisation des terres et l’étalement urbain. Le coût quotidien est donc important.