Le rapport sur le site vie-publique.fr
Le dernier rapport du Conseil d’Orientation des Infrastructures (COI), après plusieurs semaines d’atermoiement, vient finalement d’être officiellement remis. Pour rappel, le COI a été instauré par la Loi d’Orientation des Mobilités du 24 décembre 2019, et a pour mission d’éclairer le Gouvernement sur les politiques d’investissement dans la mobilité et les transports. Destiné à permettre d’élaborer la feuille de route du Gouvernement pour la décennie à venir (2022- 2032), ce rapport se focalise sur la transition écologique des mobilités, et préconise “d’investir plus et mieux” en faveur de cette transition. Il dégage trois scénarios d’investissements dans les infrastructures, et se projette sur vingt ans.
-Le premier s’inscrit dans la cadre financier actuel très contraint du Gouvernement. Les écologistes l’ont dénoncé lors de l’examen du projet de loi de finances 2023. Le COI rejoint cette prise de position en l’écartant clairement. Les écologistes privilégient et appellent à une sobriété dans les investissements nouveaux, écartent totalement le troisième scénario intitulé “priorité aux infrastructures” qui donne la primauté à de nouveaux projets routiers ou de lignes à grande vitesse ferroviaires, en réponse à des désidératas locaux inconsidérés relevant de choix de politiques publiques d’un autre temps. Dans la continuité des décisions des derniers quinquennats, ce scénario contrecarre profondément nos objectifs environnementaux en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et d’artificialisation des sols, au détriment de la biodiversité. C’est le cas de la nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin, véritable gouffre financier dont les coûts environnementaux explosent et enfreignent la législation sur l’eau. Il est temps d’engager un report modal rapide vers la ligne existante dont les capacités sont bien réelles, suffisantes et rapidement adaptables.
–L’ambition affichée dans le deuxième scénario de “planification écologique”, qui répond aux engagements pris par la France, à la stratégie nationale bas carbone, et à la stratégie européenne définie dans le paquet climat “fit for 55”, est, quant à elle, fortement saluée. Ce scénario présenté par le COI comme la recommandation vers laquelle le Gouvernement devrait s’orienter s’il veut parvenir à respecter ses engagements, affiche un positionnement clair allant dans le sens d’une politique des mobilités sobre et décarbonée, telle que les écologistes la défendent.
L’un des leviers majeurs de décarbonation réside dans la mutation des usages et de l’utilisation des ressources énergétiques, qui doit passer par une nouvelle façon de penser l’aménagement urbain, les déplacements quotidiens, les services de mobilités, en harmonie avec la biodiversité, la ressource en eau, et en vue d’atteindre les objectifs de zéro artificialisation nette, auxquels les projets d’infrastructures ne devraient pas déroger.
Une priorité pour la régénération et la modernisation du rail plutôt que de nouveaux grands projets d’infrastructures coûteux ; un déploiement accéléré des réseaux express métropolitains régionaux comme alternative durable à la voiture individuelle dans les zones urbaines mais aussi pour désenclaver les zones périphériques peu denses ; l’adaptation des routes aux objectifs de réduction de l’artificialisation des sols ; enfin, l’augmentation des investissements pour le fluvial, sont autant de mesures indispensables pour la transition des mobilités.
Le financement de tels investissements est estimé à 175 milliards d’euros sur dix ans. Pour ce qui est spécifiquement du ferroviaire, comment s’opère l’articulation entre l’ambition du rapport du COI et l’actuel contrat de performance Etat-SNCF Réseau, qui maintient notre gestionnaire la tête sous l’eau ?
L’ambition du COI pour atteindre l’objectif de doublement de la part modale d’ici 2030 pour le ferroviaire (fret et voyageurs) sera impossible à tenir avec les moyens prévus dans l’actuel contrat de performance : 2,84 milliards d’euros d’investissements annuels ne sont même pas suffisants pour régénérer le réseau existant, il manque pour cela au moins 1Md €/an.
Les écologistes ne soutiennent pas la très forte hausse des prix des péages ferroviaires, qui affecterait fortement les régions et entraverait l’essor du fret. L’augmentation des redevances d’infrastructures serait de l’ordre de 30% en 10 ans, alors qu’ils sont déjà les plus chers d’Europe : cela plomberait les chances d’un rééquilibrage de la compétitivité du rail face à la route. Comment relancer le ferroviaire en le rendant plus cher pour l’ensemble des usagers ?
Le périmètre européen est l’avenir du ferroviaire comme alternative de décarbonation face au routier et à l’aérien : la régénération, la modernisation du réseau et du matériel roulant doivent structurer un réseau ferroviaire européen de plus en plus dense. Un soutien au fret ferroviaire est indispensable, afin de réaliser une structuration du réseau fret en reliant les ports et les axes européens majeurs, pour un transport multimodal.
Pour l’essentiel, la clé de financement des investissements ferroviaires réside dans un rééquilibrage de la concurrence rail/route, en cohérence avec les principes utilisateur/payeur et pollueur/payeur : Une part des revenus autoroutiers doit impérativement basculer vers le ferroviaire. Les écologistes défendent par ailleurs une affectation de 30% d’une redevance poids lourds à l’AFITF.
Les écologistes regrettent cependant que le rapport n’accorde pas une place majeure aux mobilités actives, notamment le vélo et la marche à pied, outils indispensables au développement de l’intermodalité. Le texte considère en effet que, dans les hypothèses budgétaires les plus contraintes, l’État pourrait être conduit à ne pas poursuivre les appels à projets au prochain quinquennat. Au regard des annonces du Gouvernement, cela serait une forte déception pour de nombreux acteurs, et aurait aussi un effet négatif sur les investissements. Si les investissements des collectivités locales pour le vélo sont en forte croissance, elles ne peuvent atteindre les objectifs fixés seules. Les sommes investies doivent encore être largement augmentées sur tous les territoires.
Les écologistes appellent donc à un signal fort de l’État, un changement de paradigme qu’il faudra pérenniser notamment par l’adoption d’une loi de programmation des infrastructures qui inscrira clairement au moins 100 milliards pour les dix ans à venir.