Avis EELV Gard sur le projet de contournement ouest de Nîmes
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Avis déposé dans le cadre de l’enquête publique (du 6 février au 9 mars 2023) sur le projet de Contournement ouest de Nîmes.

La coordination des groupes locaux d’Europe Écologie Les Verts du Gard s’oppose, pour les raisons développées ci-après, au projet et vous demande de bien vouloir émettre un avis défavorable :

– à la déclaration d’utilité publique (DUP) de la réalisation du projet de contournement Ouest de Nîmes sur les communes de Nîmes, Milhaud et Caveirac ;

– à la mise en compatibilité des plans locaux d’urbanisme (PLU) des communes de Nîmes, Milhaud et Caveirac ;

– au classement de la future voirie en route express.

Inscrit au « dossier de voirie d’agglomération » (DVA) en 1999, le contournement ouest de Nîmes est un projet conçu sur les modèles du monde « d’avant ».

Dans ce monde, le dérèglement climatique, son origine humaine et ses conséquences à court terme, faisaient encore débat. Le risque d’effondrement de la biodiversité n’était que timidement abordé par quelques scientifiques. Mis à part sur des territoires traditionnellement en tension, ou lors d’épisodes exceptionnels, l’accès à l’eau ne semblait pas menacé. La pollution de l’air n’était pas considérée comme un problème majeur de santé publique. La disparition d’espaces naturels, au profit de l’urbanisation ou de la réalisation d’infrastructures, n’inquiétait pas, en dépit de ses effets délétères, qu’il s’agisse de la destruction des habitats d’espèces animales, de l’aggravation des risques d’inondation ou de la perte des « puits à carbone » qu’ils constituaient. Dans ce monde, la voiture était reine et structurait l’aménagement du territoire.

Aujourd’hui, les scientifiques du « Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat » (GIEC) sont enfin entendus. Le changement climatique et son origine humaine ne sont plus à prouver. Les vagues de chaleur et la canicule vécues l’été dernier, les feux de forêts géants, les inondations à répétition, font malheureusement écho à leurs propos. La sécheresse est présente partout en France, y compris dans des territoires où elle était jusque là inconnue. Moins visible, mais tout aussi grave, l’effondrement de la biodiversité est désormais patent. Près d’une espèce sur deux a déjà disparu ou se trouve menacée. Les oiseaux et les insectes sont de moins en moins présents dans nos campagnes. La pollution de l’air est jugée responsable de milliers de morts dus aux maladies respiratoires.

Confrontée à cette situation dramatique, la Communauté internationale a réagi par des « Conférences des parties » (COP), pour tenter de parvenir à des accords engageant les états. Mais cela n’a pas débouché sur des actions à la hauteur du changement radical à opérer, les intérêts économiques, géopolitiques ou politiciens l’emportant sur celui de la planète. Malgré tout, en 2015, l’Accord de Paris sur le climat, a fixé comme objectif à la France de réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 5% par an à partir de 2020. La « Stratégie Nationale Bas Carbone » (SNBC) vise la neutralité carbone en 2050, ce qui conduit à un objectif de réduction de 75% de nos émissions de gaz à effet de serre. L’Occitanie a décidé pour sa part, de devenir la première région de France à énergie positive à l’horizon 2050. Elle prévoit pour cela, de diminuer la consommation d’énergie de 39% et de multiplier la production des énergies renouvelables par 3,5. Nîmes Métropole étudie, en ce moment son « Plan Climat Air Energie Territorial ». Le projet évalue les émissions de gaz à effet de serre à 1 175 000 tonnes (dont 63% proviennent du transport) et envisage de diminuer de 30%, d’ici 2030, ses émissions par rapport à 2018.

Ces différentes orientations, qu’elles soient internationales, nationales ou locales, traduisent une volonté de réduire très fortement nos émissions de gaz à effet de serre, responsables du dérèglement climatique. Avec une part de 30%, le secteur des transports est le premier poste d’émission de GES de l’hexagone. La route en représente 87,2%. Cela impose, pour le secteur des transports, de réduire les déplacements, de limiter l’usage de la voiture et de mettre en place des solutions alternatives.

Santé Publique France estime que chaque année, près de 40 000 décès seraient attribuables à une exposition des personnes âgées de 30 ans et plus aux particules fines d’un diamètre aérodynamique inférieur ou égal à 2,5 μm (PM2,5). La pollution de l’air ambiant est ainsi un facteur de risque important pour la santé en France puisqu’elle représente 7% de la mortalité totale de la population française attribuable à une exposition aux PM2,5. En termes d’impact économique, la Commission d’enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l’air du Sénat estime que le coût total de la pollution de l’air (extérieur et intérieur) s’établit entre 68 et 97 milliards d’euros par an pour la France, dont une très large part est liée aux impacts sanitaires.

D’après l’ANSES, un grand nombre de polluants sont émis à proximité des infrastructures routières, et proviennent non seulement des émissions à l’échappement des véhicules mais aussi d’autres sources telles que l’usure des pneus et des freins, les technologies de climatisation du véhicule, l’usure des voies routières et l’entretien de leurs abords. Les particules qui se déposent sur le sol polluent les eaux de ruissellement qui finissent dans les rivières ou les nappes phréatiques où est puisée l’eau potable.

La réduction des déplacements utilisant des vecteurs polluants, la limitation de l’usage de la voiture et de l’autosolisme ainsi que le développement de modes de déplacement alternatifs et, en premier lieu des transports en commun, sont donc aussi des impératifs majeurs de santé publique.

L’artificialisation des sols, conséquence directe de l’extension urbaine et de la construction de nouveaux habitats en périphérie des villes, avec les infrastructures qui en découlent, est aujourd’hui l’une des causes premières du changement climatique et de l’érosion de la biodiversité. Elle prive, en outre, notre Pays d’espaces agricoles dont nous aurons besoin pour assurer l’indépendance alimentaire de l’Europe malgré le changement climatique. Le Gouvernement a donc souhaité protéger les espaces naturels, en instaurant l’objectif de “zéro artificialisation nette” prévu par le Plan Biodiversité présenté en 2018. Là encore, en Occitanie, les objectifs sont clairs car en tenant compte de la pression démographique, chaque habitant « consomme » chaque année plus de 700 m2 de terre naturelle. L’enjeu est d’apporter la plus grande vigilance aux modes d’urbanisation afin de consommer moins de terres naturelles, agricoles et forestières, de privilégier dans la mesure du possible la réutilisation de secteurs déjà urbanisés (logements vacants, friches industrielles ou commerciales …), de reconstruire la ville sur la ville et de favoriser la conception et la construction d’opérations un peu plus compactes intégrant des espaces verts. Cette maîtrise de l’urbanisation doit se traduire dans les documents de planification, notamment les plans locaux de l’urbanisme et les schémas de cohérence territoriale.

Réduire fortement le trafic automobile et préserver les espaces naturels sont deux impératifs majeurs du monde d’aujourd’hui, si l’on veut sauver celui de demain. Or le projet de contournement ouest de Nîmes est en totale contradiction avec ces deux impératifs.

Par sa nature même ; création « ex nihilo » d’une nouvelle infrastructure, le contournement consommera en effet près de 185 ha d’espaces jusque-là naturels.

A fréquentation identique, il augmentera le nombre de kilomètres parcourus par le simple allongement du trajet (douze kilomètres contre moins de dix actuellement). De plus, comme toute nouvelle infrastructure de ce type, il engendrera une augmentation du trafic. Constaté partout, ce phénomène est parfaitement logique. En améliorant, dans un premier temps seulement, les conditions de circulation, il renforcera, en effet, l’attractivité de l’automobile et incitera à se déplacer plus fréquemment en utilisant ce mode de transport. De plus, en réduisant, toujours dans un premier temps, la durée des trajets, il contribuera à l’extension du périmètre de périurbanisation, puisqu’à durées identiques, il permettra de franchir plus de kilomètres. Toutes les études démontrent, en effet, que ce sont celles-ci qui priment plutôt que les distances, dans le choix de son lieu d’habitation par rapport à son lieu de travail ou au pôle urbain fréquenté. Le marché de l’immobilier ne tardera d’ailleurs pas à s’adapter à cette évolution par une extension du périmètre périurbain aux communes devenues accessibles et par une hausse des prix dans celles qui l’étaient déjà. Enfin, le contournement ne pourra que favoriser le développement de l’urbanisation en créant des opportunités d’accès facilités et des connections nouvelles à du foncier resté jusque-là naturel ou agricole. Ce risque sera particulièrement fort aux abords de la D 997, à proximité du raccordement du contournement avec la N 106, où un vaste projet d’aménagement dit « de la Porte Nord » avait déjà été étudié à la fin des années 2000. L’accès facilité à l’autoroute risque aussi d’accentuer la pression foncière déjà importante sur la Vaunage. La combinaison de ces phénomènes aboutira donc, in fine, à une augmentation importante du trafic automobile sur la nouvelle infrastructure et sur les voiries qui lui seraient connectées, tandis que la N 106 resterait très fréquentée.

Ce projet va donc à l’encontre de l’objectif de réduction de la circulation automobile, qui est l’un des moyens de parvenir à celle des émissions de GES à laquelle notre pays s’est engagé. Il est aussi directement et indirectement contraire à la nécessité de mettre fin à l’artificialisation des sols, cause de multiples atteintes à notre environnement. Dans son rapport remis le 24 février dernier à Mme la Première ministre, le « Conseil d’orientation des infrastructures » (COI) souligne lui-même que : « La preuve n’est pas faite aujourd’hui que ce projet, qui présente de nombreux points d’échange, intègre une volonté de compacité urbaine compatible avec les orientations de la politique ZAN ». Enfin, les gigantesques travaux requis pour mener à bien cet ouvrage vont générer des millions de tonnes de CO2.

Mais la situation dans laquelle se trouve l’agglomération nîmoise n’est pas une fatalité.

Elle est, en effet, révélatrice de la vision de son aménagement, ou plutôt de son « désaménagement », et de celle de l’organisation des déplacements sur son territoire, qui prévalent depuis de nombreuses années. Ces visions sont simples : laisser jouer le plus librement possible le marché de l’immobilier et s’en remettre à la voiture individuelle pour l’essentiel des déplacements, les transports collectifs publics ne concernant principalement qu’une clientèle captive d’élèves et de personnes âgées ou sans ressources.

Une autre politique des déplacements serait possible, comme le démontrent des agglomérations comparables.

En amont de celle-ci, il conviendrait d’œuvrer au maintien et à la réimplantation des services publics, des commerces et services privés, dans la ville-centre comme dans les communes de l’agglomération, ce qui réduiraient d’autant les besoins de déplacement.

Cette autre politique de déplacement doit viser à limiter les déplacements, à encourager le « décalage des temps » pour éviter les périodes de pointe et à combattre « l’autosolisme » en favorisant le covoiturage.

Elle développerait une offre de transports en commun attractifs, s’appuyant en particulier sur le train, car l’agglomération nîmoise possède un atout important : elle est au centre d’une « étoile ferroviaire » dont les branches partent vers Montpellier, Alès, Avignon et la vallée du Rhône, Arles et Marseille et le Grau du Roi. S’agissant de l’axe Alès Nîmes Montpellier, les capacités des lignes existantes sont importantes, d’autant plus que la ligne à grande vitesse Nîmes-Montpellier devrait décharger l’ancienne ligne pour accueillir de nouveaux sillons pour les TER (rappelons que c’est l’un des arguments qui ont justifié la participation des collectivités locales à son financement) et que la réalisation du viaduc « Jean Bouin » a permis de supprimer les manœuvres que devaient faire les rames au départ de Nîmes. Les conditions sont donc remplies pour augmenter la fréquence des TER sur cet axe, avec en perspective leur cadencement pour en faire un véritable « réseau express régional » (RER). Cet axe devrait aussi structurer l’urbanisation en la concentrant autour des gares qu’il dessert. On retrouverait ainsi le schéma de développement préconisé dans le contrat d’axe Nîmes Alès conclu entre les deux agglomérations. Bien évidemment, l’offre ferroviaire devrait être complétée par un réseau de bus et tram bus aux fréquences de passage et à une amplitude de service augmentées circulant en site propre, lorsque cela est nécessaire, pour les lignes principales. Cette autre politique des déplacements ferait une large place aux vélos, qui, avec l’assistance électrique, offrent des potentialités étendues, sous réserve d’infrastructures adaptées (voies réservées, pistes cyclables rapides, parc de stationnement sécurisés…). En complément, un véritable service de « vélos en partage » devrait être mis en place. Ce dispositif global devrait être maillé par une bonne organisation de l’intermodalité et rendu accessible par une tarification juste et attractive.

Dans le cadre de cette autre politique, des alternatives au contournement sont envisageables.

En premier lieu, il s’agirait de requalifier et de réaménager la N 106 qui a été délaissée depuis de nombreuses années, voire privée de possibilités d’évolution. En effet, fidèle à une pratique qui lui est coutumière, l’Etat ne réalise plus de travaux sur celle-ci dans la perspective de son transfert à « Nîmes métropole » dès lors que le contournement serait opérationnel. Ce faisant, il réalise une double économie : sur les travaux qu’il ne fait pas et sur la compensation financière du transfert qui sera calculée sur la base des dépenses réalisées au cours des années le précédant, c’est-à-dire… pas grand-chose ! On peut aussi regretter l’abaissement, par rapport au projet initial, de la hauteur sous le pont du « Paratonnerre », excluant, de fait, le passage des poids lourds de grand gabarit et la vente de la partie nord du bois des Espeisses à un promoteur pour la trentaine de lots des Garrigues du Paratonnerre avec une modification du PLU passant la surface constructible de +/- 5000 m2 à +/- 3000m2. Il en va de même du lancement du projet d’immeuble « Signal » (CM du 5 novembre 2022) sur des parcelles que la CCI devait céder à la Métropole pour le parking de covoiturage Nîmes Ouest. Cette décision limite fortement les aménagements possibles du carrefour Allende/RN106.

Le réaménagement que nous proposons porterait sur la réalisation de carrefours en dénivelé aux croisements avec le chemin du Mas de Lauze, la D 640 (Carémau) et la N 113. Il concernerait ensuite la traversée du tram-bus et la connexion avec le quartier de Pissevin, via l’avenue des Arts, qui doivent être repensés pour éviter la coupure actuelle par les feux de circulation et la voie prioritaire pour le tram-bus. Le troisième volet de ce réaménagement consisterait à créer une plateforme intermodale à la hauteur du carrefour avec la route d’Anduze. Cette plateforme comporterait des parkings, un parc de vélos en partage et l’accès à une ligne de bus, ou à une nouvelle ligne de tram-bus, la reliant au rondpoint « Paloma » via le boulevard périphérique. Cette ligne serait naturellement connectée à celles des trams bus, à hauteur du croisement avec la N 106 pour la T2 et du Colisée pour la T1. Les derniers aménagements de la N 106 porteraient sur la requalification de celle-ci à partir de la plateforme multimodale par la création de voies cyclables, de parkings relais et de parcs de vélos en partage, de trottoirs et d’écrans anti-bruit.

Ce projet alternatif serait cohérent avec les impératifs actuels et préparerait l’avenir, à la différence du contournement, véritable « éléphant blanc », pour reprendre la formule dont l’a indirectement qualifié le ministre délégué chargé des Transport M. Clément Beaune, au micro d’Alexandra Bensaïd, sur France Inter, au cours de l’émission « On n’arrête pas l’éco », samedi 25 février dernier.

Evalué à 248 M€ en 2021, le coût du contournement est estimé à 268 M€ dès l’année suivante, soit une augmentation de 4,4 %. A ce rythme, pourtant lent au regard de l’inflation, ce coût dépasserait les 300 M€ en 2026.

Or, dans son rapport remis le 24 février dernier à Mme la Première ministre, le « Conseil d’orientation des infrastructures » (COI) estime qu’ « Il est vraisemblable que les mesures environnementales encore insuffisamment étudiées, conduisent à revoir à la hausse le coût du projet. En tout état de cause, le plafond qui semble avoir été annoncé à 60M€ ne saurait être augmenté ».

D’un coût d’au moins 300 M€ financé pour 60 M€ seulement par l’Etat, le contournement laisserait donc 240 M€ à la charge des collectivités locales, c’est à dire la Région, le Département et l’Agglomération nîmoise (celle d’Alès n’ayant pas vocation à contribuer de façon significative). Sur la base d’une répartition égalitaire, cela représenterait donc 80 M€ pour chacune d’elles. Un engagement financier à une telle hauteur paraît difficilement envisageable, voire exclu. Le financement du projet n’est donc pas acquis.

En tout état de cause, consacrer de telles sommes à un projet qui ne ferait qu’aggraver la situation serait une faute politique grave à laquelle EELV ne saurait s’associer ! Cela ne conduit pas à l’inaction et, encore moins à la régression ! Cela conduit à l’imagination : celle d’inventer des solutions qui répondent aux besoins d’aujourd’hui, sans compromettre ceux des générations futures.

Source : DREAL Occitanie